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    Décalage horreur  (l'interstice abscons et l'esprit foncé)

     

    << Comme des masques figés sur le temps qui s'écoule, le rêve se les approprie et de ton présent en fait une misère.

          Comme une orée qui s'éparpille du matin jusqu'au crépuscule, la nuit se l'approprie et de ton présent en fait une chimère. >>

     

    Une nuit l'ivresse m'emporte, encore une des plus chaudes et des plus joyeuses. Je m'empare du temps, des mesures et des sentiments. Je suis pénétrable et jouis de toute chose. Je recherche le bonheur, je l'arpente et m'assied à côté de lui. Je l'emploie avec délicatesse et en le poussant vers l'éternel je l'accompagne, convaincu, avec ferveur et suspension. Mon humeur est encourageante, positive et réfléchie au mieux. Le contact de l'autre me plaît et me procure une émotion des plus agréables. Je m'emballe et m'inonde de l'atmosphère. Jusque là certes on dira qu'il n'y a rien de mirobolant, mais comme l'œuvre de l'artiste, cette sensation est unique. Et comme pointés par un sceau, ces heures, ces images et ces moments, qui ne durent que ce qu'ils durent et seulement ce qu'ils durent, qui gardent tout leur parfum jusqu'à que l'on daigne seulement s'en éloigner, auxquels malgré tout on pense encore une fois endormi, sont enfermés dans un secret des plus impérissables. Bien sûr on se doute bien lorsqu'on se trouve là que ces moments passeront mais on n'y prête aucune attention et on laisse choir le temps qui court à côté de nous. Au fil du temps ces immortels, si on est imprégné, deviennent un tout et ce tout ne forme plus qu'un seul qui se retrouve alors casé dans une chambre abstraite, inviolable, "limite commémorative" et indélébile pour certains peut-être, pour moi assurément. Puis comme à mon habitude d'une aube à l'autre, des aubes aux autres, j'y pense encore. Je n'ai pas envie d'oublier et je n'oublie pas. Parce que trop plein d'extases et d'émotions incontrôlables, la chambre de mes souvenirs me retransmet encore tous ces gestes, ces sourires, ces conversations, ces clichés, tout ce que je ressens encore de ces instants gravés en un sillon plongeant dans mon esprit. "Le souvenir est un malheur pour l'homme car éprit il peut longtemps lui courir après et au présent ne plus vivre qu'en décalage". 

    Malheureusement si tout cela revient dans ma conscience c'est qu'il y a rupture. Et cette rupture temporelle déporte les visages sur d'autres fonds, le décor change, la pièce se transporte dans un autre registre et les personnages s'enrôlent d'un autre caractère. Là, la scission entre ce passé collectif et ce présent individuel a du poids et peut devenir lourde car ce que l'on ressent est solitaire, comme perdu dans le désert pensant qu'on s'y retrouve soi-même, et n'est donc pas si souvent partagé et ressenti par les autres de la même façon ni à la même échelle ni au même degré. S'il y a entente, harmonie voire même symbiose, cela reste une histoire de balance. Les autres dis-je, je suis un autre, j'en fais partie. Nous sommes tous l'un des maillons de la chaîne, décalés les un des autres jusqu'à ce que l'on trouve l'engrenage qui nous corresponde. Ne nous est-il pas arrivé un jour à tous d'être éprit par le maillon qui suit et que celui-ci est éprit de celui qui le suit lui mais qu'en revanche ceux qui précèdent ne produisent pas ce même attrait sur les suivants? On s'amourache de quelqu'un qui est amouraché d'un autre et celui dont on n'est pas amouraché, s'amourache de nous. N'aurait-il pas été possible que l'amour soit plus simple sans être simpliste mais plus ordonné? Tout est désordonné. Et notre talon d'Achille est comme le fruit défendu que l'on voudrait goûter. Tu es le loup et moi l'agneau. Je suis le loup et toi l'agneau. On pourrait presque croire que c'est fait exprès. Il est malheureusement difficile de garder et de construire l'équilibre.

    Il advient alors, sauf exception, qu'on se retrouve seul avec ses rêves et ses désirs. Ce qui a été vécu et, peut-être trop vécu, fait défaut et à posteriori n'existe plus réellement. Malgré tout si je me permets quand même une porte ouverte sur l'espoir c'est qu'il en existe toujours un, mais cet espoir est un de ceux des utopistes patents, je crois. Ce paradoxe entre un espoir irréel et un rêve vivant assassine à petit feu. Je ressens tant les choses que souvent je me trompe et exagère mais comme je le disais, malgré une vie flashée uniquement par des éphémérides choisies qui aident à croire à une autre réalité, malgré des échanges intenses et "faussement véritables" alors certes vécus mais "au diable" stoppés, anachroniques et inexacts, malgré le monde où aucune résurrection ne s'établit, où rien ne rejoint l'idylle passée et présente désormais, le désir et la passion déjà propulsée colle et pousse en solo. C'est Babel qui s'érige!

    Je colle à mon désir, à ma passion déjà propulsée et je pousse en solo. Et c'est Babel que j'érige! De cette sensation réelle tant éprise l'envie qu'elle ne puisse plus s'échapper, qu'elle ne s'échappe pas, ou ne s'échappe plus, est la plus difficile à vivre et à écarter. Elle s'étend avec la distance, elle ne s'en éloigne pas et provoque le décalage et cette distance qui s'oppose à l'envie n'est que décidée par l'autre, celui qui s'éloigne, le désintéressé ou le maillon suivant, celui qui vise ailleurs. 

    Mon émoi intègre, réjoui, rieur et accueilli de ces instants parallèles reste encore le même au fond de moi, et aimerait vivre encore, survivre encore, éternellement. Il me tient par le cœur, il me tient par l'esprit et me tient par le songe. J'aimerais qu'il soit partagé! Seulement! Non, il ne l'est pas. Dois-je me dire qu'on ne vit pas avec le passé et que les éléments du présent sont là pour montrer la voie. Qu'on se doit de les accepter et de les voir. Qu'on ne doit pas y croire seul dans son monde dénaturé et déformé qu'on aime tant favoriser. Qu'on ne doit pas se faire d'illusion là où il n'y aurait que désillusion. Bien sûr on peut me montrer de l'affection, même de l'amour mais les prendre pour argent comptant est une méprise une fausseté un fourvoiement. Ne croît pas qu'on puisse conter autre chose que ce que l'on montre. Conter fracas c'est beau mais conter lucide l'est bien plus. Même si par prudence tu fonctionnes en ne montrant pas tout ce dont tu as envie et tout ce dont tu aurais besoin, ça ne veut pas dire que les autres fonctionnent obligatoirement comme ça. Mon conseil est que tu devrais montrer tout de suite les sentiments et les choses passeraient certainement plus vite. Il n'aurait pas le temps de grossir voire s'alourdir. Seulement prend toujours en considération et vraiment ressens que tout le monde est embarqué mais que l'autre ne sent pas ou plus, ne veut plus ou pas, n'exprime pas ou plus, la même chose que toi. L'autre a changé de direction. L'autre a prit ou était déjà sur un chemin différent. L'autre n'a pas prit le même chemin que toi. Vous avez vécu le même moment, la même conversation, les mêmes propos mais avec deux visions différentes et même si elles semblaient proches elles ne sont pas identiques. Tu as peut-être été absolument honnête, l'autre peut-être aussi…sur le moment. Mais que faire des moments où l'esprit dépasse la cohérence, où la parole dépasse l'esprit et s'emballe. Si sur la balance la fougue de l'envie du bonheur plombe de ton côté, tu as peut-être été de trop, trop investi et l'autre non. Je le dis "tu es le seul sur ton chemin" et c'est commun. Mais si tu es seul, c'est juste qu'on ne t'a pas accompagné, ou que tu n'as pas voulu qu'on t'accompagne ou encore que tu n'as pas voulu accompagner…Tout s'uni en parallèle. Ne sois pas triste. Le bonheur se trouve souvent là où l'on ne croit pas.

     <<N'effaces pas tes souvenirs mais fais-en bon aloi et bon usage.

     

     Ne t'agaces pas de ces souvenirs mais crées avec joie d'autres paysages >>

    « candide

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